Consommant dix fois moins d’énergie que les ampoules incandescentes, les LED ont révolutionné l’éclairage et dominent aujourd’hui le marché mondial. Pourtant, leur succès était loin d’être assuré. Retour sur une invention qui a mis plus d’un siècle à s’imposer.
Tout a commencé par un simple phénomène physique. En 1873, le scientifique Frederick Guthrie découvre que le courant électrique ne circule que dans une seule direction. Le principe fondateur des diodes électroluminescentes (LED) est né. Pourtant, il faudra attendre plus de cent ans avant que la première ampoule LED ne soit commercialisée. Et pour cause : sa prédécesseure, la lampe à incandescence, va dominer le marché pendant près d’un siècle. Elle est même au centre de toutes les discussions en 1881, à l’occasion de l’exposition internationale d’électricité de Paris.
Le scientifique russe Oleg Lossev marque un pas de géant dans le développement des LED, en déposant le premier brevet sur une diode électroluminescente en 1929. Ses travaux, longtemps oubliés, ont permis de montrer que les semi-conducteurs utilisés dans les récepteurs radio pouvaient déclencher une lumière lorsqu’un courant électrique les traversait. Mais à cette époque, on ne pose pas encore le nom de « diode électroluminescente » sur cette invention.
Cette découverte, pourtant essentielle, ne débouchera sur des applications concrètes dans le domaine de l’éclairage que 40 ans plus tard. C’est en 1962 que la LED moderne prend véritablement forme, lorsque les chercheurs Nick Holonyak Jr. et S. Bevacqua créent la première diode émettant une lumière rouge visible à l’œil nu. Le premier ira même jusqu’à la qualifier de « lumière suprême », insistant sur son potentiel révolutionnaire : ici, « c’est le courant lui-même qui est la lumière ».
Cette nouvelle ampoule reste néanmoins confinée aux laboratoires et aux appareils électroniques de pointe, tels que les équipements de laboratoires médicaux ou de tests électroniques. Trop coûteuse et peu performante, elle peine à trouver sa place dans l’éclairage du quotidien.
Les années 1980 marquent un nouveau chapitre, avec l’apparition des premiers luminaires intégrant des LED sur le marché grand public. Leur intensité lumineuse reste cependant insuffisante pour rivaliser avec les solutions d’éclairage traditionnelles, c’est pourquoi ils sont surtout utilisés à des fins décoratives.
La décennie suivante sera décisive. En 1993, le Japonais Shuji Nakamura, accompagné de ses acolytes Isamu Akasaki et Hiroshi Amano, réussit à concevoir une LED bleue (permettant d’obtenir une lumière blanche) à haute intensité, pour son client Nichia, grâce à un travail de longue haleine sur les semi-conducteurs. Sans cette avancée, la lampe LED telle qu’elle est popularisée aujourd’hui n’aurait jamais vu le jour. Ses trois inventeurs recevront par ailleurs le Prix Nobel de physique en 2014. « Les ampoules à incandescence ont éclairé le XXe siècle ; le XXIe siècle sera éclairé par les lampes LED », déclarait alors le comité du célèbre prix.
La révolution des LED devra encore patienter une décennie supplémentaire pour supplanter définitivement la lampe à incandescence. En 2004, l’ampoule LED reçoit le prestigieux prix de la Fondation Lemelson-MIT, reconnaissance qui lui ouvre les portes des décideurs et investisseurs. La décennie 2010 marque le début de son industrialisation à grande échelle, imposant rapidement la LED comme la solution d’éclairage dominante sur le marché mondial.
Après la conquête des foyers, l’ampoule électroluminescente se tisse une place dans l’espace public, forte de sa rentabilité et ses performances sans cesse améliorées. Sur ce point, la mairie de Paris a été précurseur en 2012, en devenant la première capitale à équiper son métro d’un éclairage 100 % LED. Face à l’efficacité énergétique incontestable de la LED – 10 fois moins énergivore que les lampes à incandescence et 4 à 6 fois moins que les ampoules halogènes – l’Europe a également pris des mesures. Elle a d’abord interdit progressivement la commercialisation des lampes à incandescence à partir de 2008, puis celle des ampoules halogènes dès 2018. Signe du quasi-monopole exercé par la technologie LED à ce jour.
Parallèlement, la technologie électroluminescente dépasse la sphère de l’éclairage. L’affichage numérique a bénéficié des avancées technologiques, avec des écrans toujours plus performants grâce à la miniaturisation des LED et leur capacité à produire plusieurs couleurs simultanément.
Et l’histoire continue. Depuis 2020, la technologie COB (Chip on Board) est utilisée pour concevoir des écrans ultra haute définition plus lumineux et moins énergivores, repoussant encore les limites de la qualité d’image. Dans le futur, on peut aussi imaginer que la LED sera devenue un pilier de la connexion internet, grâce à la LiFi (Light Fidelity), une technologie de communication sans fil qui n’utilise pas des ondes radio (Wifi) mais la lumière visible (LED) pour transmettre des données numériques. Le champ des possibles est encore bien ouvert.
Sur ce point, la mairie de Paris a été précurseur en 2012, en devenant la première capitale à équiper son métro d’un éclairage 100 % LED.
