Transition énergétique
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COP30 : Comment la Chine est devenue une force motrice de la transition énergétique ?

Alors que la COP30 se déroule actuellement au Brésil, la Chine incarne le grand paradoxe climatique mondial. Premier pollueur de la planète mais champion incontesté des énergies renouvelables, l’Empire du Milieu fait de la transition énergétique son nouveau levier de domination économique avec des investissements colossaux qui dépassent ceux du reste du monde.

COP30 : Comment la Chine est devenue une force motrice de la transition énergétique ?

Le coup d’envoi à été lancé ce lundi 10 novembre. À Belém, dans le Nord du Brésil, a démarré le plus grand rendez-vous mondial annuel de diplomatie environnementale : la COP30. Jusqu’au 21 novembre, voire plus en cas de prolongations, près de 200 pays sont donc réunis dans le cadre de la 30e session de la Conférence des Parties (COP) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC), qui faisait suite au premier rapport du GIEC paru en 1990. Un retour aux sources puisque c’est en terres brésiliennes, lors du Sommet de la Terre de Rio-de-Janeiro en 1992, qu’avait été adopté le texte. 

Depuis, ce sont donc 30 conférences de parties qui se sont succédé, depuis la première à Berlin en 1995 en passant bien sûr par Kyoto en 1997 où fut signé le célèbre Protocole du même nom et bien sûr par Paris en 2015, année où les parties prenantes ont réaffirmé l’objectif climatique de maintenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5°C ». Derrière ces indicateurs de hausse de température, se cache la nécessité pour le monde, en particulier les pays anciennement industrialisés et les plus pollueurs, de réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. 

La COP30 dans un contexte mondial peu favorable à l’action climatique

Pour réduire significativement ces émissions – plus de 2 500 milliards de tonnes de CO2 (GtCO2) depuis la période préindustrielle -, la seule voie consiste à se sevrer rapidement du pétrole, du gaz et du charbon, les fameuses énergies fossiles dont la combustion est responsable du changement climatique. Le but principal de la COP30, et de toutes les conférences des parties qui l’ont précédée, est précisément d’accélérer l’action climatique au niveau mondial et de favoriser la transition énergétique qui consiste principalement à substituer l’utilisation de pétrole, de gaz et de charbon par des énergies bas-carbones. 

Si la course vers un monde décarboné est lancée depuis plusieurs décennies maintenant, elle progresse aujourd’hui à un rythme très insuffisant pour espérer respecter l’objectif de l’Accord de Paris. En France, comme le pointe le Haut Conseil pour le Climat, le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre est même en train de ralentir. Quant aux Etats-Unis, deuxième pollueur mondial actuel et premier pollueur historique, la baisse est devenue quasi-nulle en 2024 et il est peu probable qu’elle rebondisse sous la présidence de Donald Trump, hostile à l’action climatique et défenseur assumé des énergies fossiles. Du point de vue de la diplomatie environnementale, les États-Unis, premier producteur mondial de pétrole, défendent ainsi des positions désormais alignées avec les pétro-monarchies. 

Plus de 2 500 milliards de tonnes de CO2 (GtCO2) depuis la période préindustrielle.

Renouvelables : la montée en puissance sans précédent de l’Empire du Milieu

Si les Etats-Unis n’ont envoyé aucune délégation officielle à la COP30, ce n’est pas le cas de la Chine, représentée notamment par Ding Xuexiang, premier vice-Premier ministre (le Premier ministre chinois est assisté par 4 vice-Premiers ministres, ndlr) de l’administration présidée par Xi Jinping. Il faut dire que la Chine est autrement plus engagée sur la scène climatique que son adversaire américain. Certes, l’Empire du Milieu demeure le premier pollueur mondial actuel en raison de son statut d’atelier industriel du monde qui réclame une importante consommation énergétique. Surtout, le pays est enferré dans une dépendance historique et massive au charbon, dont il exploite l’importante réserve présente dans son sol. La Chine continue d’ailleurs de mettre massivement en service de nouvelles centrales à charbon. En 2024, le pays a ainsi représenté à lui seul 93 % des nouvelles constructions de centrales à charbon dans le monde

À première vue, la Chine n’a donc rien d’un leader mondial de la transition énergétique. Et pourtant, ces nouvelles centrales auraient vocation à être démantelées une fois que le système basé sur les énergies renouvelables sera pleinement opérationnel. Et de ce point de vue, la montée en puissance est fulgurante. En l’espace de dix ans, le géant économique a multiplié par quatre ses installations d’éoliennes et de panneaux solaires. Une capacité encore appelée à doubler d’ici 2030. Le pays vient d’ailleurs d’installer l’éolienne offshore la plus puissante du monde sur la mer de Bohai. Haute de 310m à la pointe de ses pales et dotée d’une capacité de 26 megawatts (MW), elle est située à proximité du parc solaire offshore le plus puissant du globe, composé de 3000 panneaux photovoltaïques. 

La transition énergétique, nouveau bras armé de la Chine dans sa domination de l’économie mondiale

Une véritable course au gigantisme représentative des investissements colossaux de la Chine en matière d’énergies renouvelables. En 2023, le géant asiatique a ainsi dépensé 890 milliards de dollars pour développer les énergies renouvelables, en intégrant les besoins pour les moyens de production, les réseaux, le stockage, etc. Pour la seule année 2024, elle a installé pas moins de 277 gigawatts (GW) de nouvelles capacités solaires et 80 GW de nouvelles capacités en éolien, soit davantage que le reste du monde cumulé. Sa capacité totale installée – qui a encore progressé depuis – atteignait alors 887 GW en solaire et 521 GW en éolien

En quelques années, la Chine s’est ainsi affirmée comme la championne mondiale des énergies renouvelables. Au point de pouvoir maintenant capitaliser par opportunisme économique sur la redoutable industrie qu’elle a constituée. Car c’est également la Chine qui fournit au reste du monde l’essentiel des panneaux solaires (80 %) et des éoliennes (60 %). Un tour de force qu’elle entend maintenant réitérer avec les voitures électriques, qui affluent désormais dans les concessions chinoises. En 2024, un nombre record de 10,9 millions de modèles hybrides ou électriques ont ainsi été vendus sur le marché chinois. Actuellement, le pays concentre 64 % de la production mondiale de véhicules électriques et des constructeurs comme Geely et BYD ambitionnent désormais de régner sur le marché mondial. Dans le même temps, la Chine massifie le déploiement de bornes de recharge sur son territoire. Sur les 7 premiers mois de l’année 2025, 3,9 millions de points de charge ont ainsi été installés soit une hausse de… +93 % sur un an. 

890 milliards de dollars pour développer les énergies renouvelables.

Les émissions chinoises atteignent un plateau 

Une électrification rapide de la société chinoise qui va nécessairement de pair avec une hausse de la consommation d’électricité dans le pays (+5 % par an environ). Pour y faire face, la Chine peut compter sur ses nouvelles capacités renouvelables qui ne cessent de s’ajouter. Au point que la production d’électricité à partir de charbon est désormais en recul, ce qui souligne d’autant plus le paradoxe apparent de l’ouverture de nouvelles centrales. « Du fait de ses investissements massifs dans le solaire et l’éolien, le stockage de l’électricité, et avec un complément d’hydraulique et de nucléaire, le pays peut injecter trois fois plus d’électricité bas carbone dans le système qu’il y a dix ans », analyse Christian de Perthuis, fondateur de la Chaire Économie du Climat à l’Université Paris-Dauphine dans des propos rapportés par le site Connaissance des Énergies. « Cette électricité permet de faire face à l’électrification des usages, notamment dans le transport, sans générer d’émissions supplémentaires » explique l’économiste. En parallèle de l’essor des voitures électriques, cette situation mène effectivement à une stagnation des émissions chinoises de gaz à effet de serre. À date, celles-ci n’ont plus augmenté depuis un an et demi. Après des décennies de hausse soutenue, Pékin vise désormais un objectif de baisse de ses émissions nettes de gaz à effet de serre de 7 à 10 % d’ici 2035 et l’atteinte de la neutralité carbone en 2060. Des objectifs relativement modestes au regard de sa politique volontariste en matière d’électrification. Le signe que, si elle est désormais une force motrice de la transition énergétique, la Chine a encore un long chemin à parcourir pour devenir une championne du climat. À ce titre, nombre d’observateurs présents à la COP30 estiment que la Chine pourrait encore faire mieux pour accélérer la décroissance d’un niveau global d’émissions extrêmement élevé.

Du fait de ses investissements massifs dans le solaire et l’éolien, le stockage de l’électricité, et avec un complément d’hydraulique et de nucléaire, le pays peut injecter trois fois plus d’électricité bas carbone dans le système qu’il y a dix ans.

Christian de Perthuis

Fondateur de la Chaire Économie du Climat à l'Université Paris-Dauphine

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