Énergies renouvelables
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Une brève histoire de l’énergie éolienne : des moulins à vent aux parcs flottants

Des premiers moulins aux parcs éoliens modernes, l’être humain a toujours cherché à maîtriser le vent. Si son utilisation industrielle pour produire de l’électricité a mis plusieurs siècles, l’énergie éolienne a aujourd’hui un rôle central dans la transition énergétique.

Une brève histoire de l’énergie éolienne : des moulins à vent aux parcs flottants

Dans la mythologie grecque, l’un des fils du titan Cronos a fait d’Éole, habitant des îles Éoliennes, le « régisseur des vents », celui qui peut déchaîner ou capturer les vents à sa guise, favoriser la navigation ou bloquer les navires au port. Cette évocation mythologique rappelle que la force du vent a toujours fasciné l’être humain, tout en lui semblant indomptable. Petit à petit pourtant, il a appris à l’utiliser et à la transformer en ressource précieuse pour nos besoins industriels.

Des moulins aux premières étincelles

L’énergie hydraulique a d’abord été domestiquée, avec l’émergence des moulins à eau qui aidaient à moudre le grain. Reprenant le même principe, sont ensuite apparus les moulins à vent, notamment en Perse et en Chine autour du VIIe siècle. Leur principe n’a que peu évolué pendant plusieurs siècles : le captage du vent par des ailes servait alors essentiellement au pompage et à l’élévation de l’eau

Le véritable tournant a lieu à la fin du XIXe siècle, après l’apparition de l’électricité. Avec la modernisation des moyens de transport à voile, l’idée de transformer la force du vent en courant électrique commence à germer dans l’esprit de quelques pionniers. En 1888, l’inventeur américain Charles Brush, qui travaillait déjà sur les dynamos, construit dans le parc de sa résidence de Cleveland, dans l’Ohio aux États-Unis, une grande éolienne de 18 mètres de haut, rapporte le journal Le Génie civil. C’est la première installation du genre, capable de générer de l’électricité pour alimenter la maison et le laboratoire du scientifique. 

Mais comme le relève le journal à l’époque, « les essais faits jusqu’à ce jour »  ne semblent pas encore « donner de résultats véritablement industriels ». Considéré comme le père des éoliennes modernes, l’ingénieur, météorologue et physicien danois Poul La Cour construit quelques années plus tard, en 1891, le premier prototype vraiment industriel destiné à produire de l’électricité. Celui-ci comporte un nombre réduit de pales. Il le commercialisera ensuite sous de nouvelles versions. La Revue pratique de l’électricité note en 1905 que « les avantages de semblables installations paraissent tellement grands »  que « leur construction a été entreprise sur une grande  échelle au Danemark ». En 1918*, un quart des centrales électriques rurales danoises fonctionne avec une éolienne – pour une puissance de 20 à 35 kW en moyenne. Les bases d’une nouvelle industrie sont posées.

Le XXe siècle et l’industrialisation : la révolution éolienne commence

Si le développement est d’abord lent, avec quelques innovations comme l’éolienne à axe vertical imaginée par l’ingénieur Georges Darrieus en France en 1926, la seconde guerre mondiale rebat les cartes de l’industrie énergétique et accélère le processus. Après-guerre, face à une consommation électrique croissante, plusieurs installations expérimentales sont tentées. En France en 1955 est installé à Nogent-Le-Roi (Eure-et-Loir) un très grand prototype pour l’époque, de 30 mètres de diamètre, puis un autre de 35 mètres trois ans plus tard à Saint-Rémy-des-Landes (Manche). Leur bilan mitigé et le choix de la France de miser sur le nucléaire conduisent à leur démantèlement dans les années 1960. 

Mais en 1973 puis 1974, les deux chocs pétroliers successifs plongent le monde dans l’incertitude énergétique. Avec la prise de conscience d’une dépendance excessive aux hydrocarbures, dont les prix explosent, c’est logiquement un moment d’essor rapide pour l’éolien. L’Allemagne lance un programme de développement de l’éolien à grande échelle avec un tarif d’achat fixe de l’électricité. Le Royaume-Uni, la Suède, les Etats-Unis (en Californie notamment) ou le Canada lancent aussi des politiques de soutien aux énergies renouvelables et financent des programmes de recherche. Selon l’ingénieur et historien Philippe Bruyerre dans La Revue d’histoire des techniques, un « renouveau » vient du Danemark grâce à des industriels tels que Vestas, aujourd’hui encore l’un des leaders de l’éolien. 

En 10 ans en Europe, la puissance des parcs éoliens a ainsi fortement augmenté : l'Allemagne passe de 37 GW de parc éolien installé en 2014 à 69,5 GW en 2023, et la France de 9,3 à 23 GW.

RTE

L’ émergence de la Chine : un nouveau leadership mondial

Pendant deux décennies, les innovations permettent à la taille des éoliennes – désormais à trois pales – , d’augmenter leur efficacité et leur puissance. Dans le même temps, les coûts de production diminuent. À partir des années 2000, la Chine devient rapidement un nouveau leader sur le marché, motivée par une demande énergétique en forte croissance. Le pays d’Asie est aujourd’hui premier en production et en puissance. C’est aussi l’un des premiers fabricants de turbines éoliennes du monde, grâce à des géants du secteur comme Goldwind qui rivalisent et détrônent petit à petit leurs concurrents européens et américains. Ainsi en 2025, six des dix principaux constructeurs de turbines sont chinois, selon le cabinet de recherche BloombergNEF. Ils devancent notamment les constructeurs européens, comme le danois Vestas, et américains, comme GE Vernova.

Cette expansion, combinée à une volonté de développer des énergies propres, a stimulé la compétition commerciale et conduit à des améliorations technologiques importantes sur les éoliennes. La puissance de ces dernières est ainsi passée de quelques centaines de kilowatts à des mégawatts. Selon RTE, en 10 ans en Europe, la puissance des parcs éoliens a ainsi fortement augmenté : l’Allemagne passe de 37 GW de parc éolien installé en 2014 à 69,5 GW en 2023, l’Espagne de 23 GW à 31 GW, le Royaume-Uni de 7,8 à 30 GW, et la France de 9,3 à 23 GW. La Chine, elle, dispose d’une puissance installée de 391 GW.

Des innovations continues : l’éolien en mer et flottant 

Aujourd’hui, alors que l’éolien terrestre continue son expansion, les principales innovations concernent l’éolien en mer (ou offshore) et l’éolien flottant. Le vent souffle généralement plus fort au large des côtes, un potentiel que plusieurs pays ont commencé à exploiter. Le Danemark, toujours précurseur, a installé le premier parc éolien en mer dès 1991 à Vindeby, dans des eaux peu profondes. S’il est démantelé en 2017, le pays poursuit le développement de ses parcs en mer pour atteindre en 2023 une puissance de 2,3 GW. Le plus grand parc est aujourd’hui installé au large du Royaume-Uni, devenu chef de file européen dans le développement de ce secteur, tout comme l’Allemagne et les Pays-Bas.

Et l’histoire de l’énergie éolienne se poursuit, avec l’émergence de parcs flottants qui ouvrent l’accès à des zones maritimes très ventées mais trop profondes pour des installations fixes. La première éolienne de ce type a été installée en 2009 en Norvège, mais le développement à large échelle a été lent car les coûts étaient à l’origine plus élevés. Ils tendent aujourd’hui à diminuer et la plupart des projets actuels sont européens, devant des projets chinois, japonais et américains. Le premier parc éolien flottant en France a par exemple été mis en service le 24 juin 2025, montrant que l’histoire de la domestication du vent n’a pas fini de s’écrire…

* BRUYERRE Philippe, La Puissance du vent. Des moulins à vent aux éoliennes modernes, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2020

Crédit photo : Pexels

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Mag : La France électrique

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