Avec l’essor de l’intelligence artificielle, la consommation énergétique des data centers est en train de bondir. C’est en effet en leur sein que se loge la puissance de calcul nécessaire pour faire tourner les outils d’IA générative. Et forcément, la croissance exponentielle des besoins nécessite d’importants investissements. Rien qu’en France, une enveloppe de 6 milliards d’euros d’investissements pour le développement de data centers sur le territoire a été annoncée en 2024 par différents acteurs, dont Microsoft, lors du sommet Choose France. En 2025, lors du Sommet pour l’action sur l’IA à Paris, le gouvernement a dévoilé la carte de 35 sites potentiels « prêts à l’emploi » pour accueillir des data centers dédiés à l’intelligence artificielle. 

La construction de ces nouveaux centres de données sur le territoire français serait « une opportunité énergétique immense », souligne dans une tribune Benjamin Fremeaux, président du groupe Idex, spécialiste des énergies locales et bas carbone. En effet, « ces data centers vont générer plus de 100 TWh de chaleur par an, soit 2,5 fois les besoins en chauffage de tous les logements du Grand Paris. ». Or, « si seulement 15 % de [la chaleur des data centers] était récupérée, la France atteindrait déjà 10 % de son objectif 2035 de chaleur renouvelable »  note M. Fremeaux, qui y voit là « un levier puissant ».

Valorisation de la chaleur fatale

 Réputés énergivores, ces centres de données en pleine croissance ont besoin de beaucoup d’électricité pour faire tourner leurs serveurs. Une grande partie de cette énergie se transforme donc en chaleur. Pour éviter la surchauffe, le recours à des systèmes de refroidissement est incontournable (par exemple le free cooling ou refroidissement à air ou encore le refroidissement adiabatique qui utilise le principe de l’évaporation). Ainsi, de l’énergie est donc dépensée en refroidissement tandis que la chaleur générée est le plus souvent rejetée dans l’air. Il y a donc là une vraie problématique de perte énergétique. 

Dès lors, comment transformer ce qui passe aujourd’hui comme une externalité négative en atout ? Certaines entreprises de data centers parient sur la circularité de la chaleur. C’est le cas notamment de Neutral-IT, une entreprise française qui installe des data centers dans les chaufferies d’immeubles résidentiels ou tertiaires, et récupère la chaleur produite en surplus de ces équipements, appelée chaleur fatale, pour préchauffer les ballons d’eau chaude ou les piscines publiques. 96 % de la chaleur est ainsi récupérée et valorisée, revendique l’entreprise. La technique permet d’émettre 113 % de CO2 en moins par rapport à une installation normale, économise 49 % de ressources naturelles, 35 % d’eau et fait baisser la consommation d’énergie de 67 %. D’autres entreprises se placent sur ce créneau : le bassin olympique des JO de Paris était ainsi chauffé par la chaleur fatale récupérée d’un centre de données d’Equinix. À Genève, l’entreprise de cloud Infomaniak a inauguré début 2025 un data center construit en sous-sol d’un quartier résidentiel, dont 100% de l’énergie devrait pouvoir être réutilisée pour chauffer 6 000 logements.

Un puissant levier… qui ne demande qu’à être activé 

Depuis 2021, les industriels souhaitant ouvrir un centre de données ont l’obligation légale de fournir une étude sur la possibilité de récupérer la chaleur fatale. « Cette obligation est uniquement déclarative », regrette néanmoins Philippe Schmit, président démissionnaire de l’autorité environnementale d’Île-de-France. Les bénéfices de la récupération de chaleur sont pourtant nombreux et collectifs. Du point de vue écologique, cela permet de limiter le gaspillage énergétique et de réduire l’empreinte carbone des infrastructures. C’est aussi une opportunité pour les collectivités de réduire leur facture énergétique. Enfin, dernier point hautement stratégique pour la filière des data centers : la récupération de chaleur contribue à renforcer l’acceptabilité sociale des data centers, souvent affublés d’une mauvaise réputation qui reste en partie injustifiée. 

En effet, leur poids dans la consommation d’électricité totale du pays reste relatif (2 % en 2022, selon RTE). De plus, la France a l’avantage majeur de bénéficier d’une électricité déjà très largement décarbonée, ce qui rend l’empreinte carbone des data centers implantés dans l’Hexagone plus faible qu’aux États-Unis, en Asie ou dans certains pays européens. Par ailleurs, l’efficacité énergétique des nouveaux data centers a considérablement progressé. In fine, en alimentant en chaleur logements, piscines et réseaux urbains, les data centers démontreront leur capacité à être des contributeurs directs à la transition énergétique du pays. 

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