Transition énergétique
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Qu’est-ce que la PPE, ce plan stratégique au cœur des débats politiques ?

La programmation pluriannuelle de l’énergie, ou PPE, est la feuille de route qui guide la politique énergétique de la France pour les dix prochaines années. Elle fixe les grandes orientations pour réduire la consommation d’énergies fossiles, développer les énergies décarbonées et assurer la sécurité d’approvisionnement en cohérence avec les objectifs climatiques du pays. 

Qu’est-ce que la PPE, ce plan stratégique au cœur des débats politiques ?

Elle est attendue depuis près de deux ans. Elle ? C’est la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). En termes simples, il s’agit de la feuille de route énergétique de la France. Avec la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), elle fait partie des textes stratégiques qui fixent le cap de la politique climatique et énergétique du pays : la Stratégie Française pour l’Énergie et le Climat. Pour parvenir à atteindre son objectif de neutralité carbone en 2050, la France s’appuie ainsi sur deux textes clés : la SNBC, qui détaille les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et la PPE, outil de pilotage « qui établit les priorités d’action du gouvernement en matière d’énergie pour la France hexagonale* sur une période de 10 ans ».

La PPE est mise à jour avec l’objectif de passer d’une consommation énergétique à 60 % carbonée à une consommation énergétique à 60 % décarbonée d’ici à 2030.

Ministère de la Transition Écologique

La PPE au coeur de la politique énergétique et climatique française 

La SNCB et la PPE ont toutes deux été instituées en même temps juste avant l’accord de Paris sur le climat, par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La première PPE a été publiée en 2016 et il est prévu qu’elle soit actualisée tous les 5 ans. Une première révision (PPE 2) avait été entamée en 2018 et formellement adoptée début 2020. Mais en 2022, elle est rendue caduque par la relance de la filière nucléaire française, alors que la PPE-2 prévoyait la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035. Mais au fait, à quoi sert précisément la PPE ? 

Comme le détaille le site du ministère de la Transition écologique, la PPE comporte plusieurs volets, notamment : 

– la sécurité d’approvisionnement,  

– l’amélioration de l’efficacité énergétique et la baisse de la consommation d’énergie primaire, en particulier fossile, le développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération ;

– le développement des réseaux, du stockage, de la transformation des énergies et du pilotage de la demande d’énergie ; 

– la stratégie de développement de la mobilité bas-carbone ; 

– l’évolution des besoins de compétences professionnelles ;

– la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs et de la compétitivité des prix de l’énergie. 

Par ailleurs, ainsi que le relate le site spécialisé « Connaissance des énergies », « la PPE doit indiquer entre autres les enveloppes maximales de ressources publiques qui pourront être mobilisées pour chaque filière ».

En novembre 2024, lors de la présentation de la PPE-3, avant sa mise en concertation, le ministère de la Transition écologique indiquait qu’en matière de mix énergétique, « la PPE est mise à jour avec l’objectif de passer d’une consommation énergétique à 60 % carbonée à une consommation énergétique à 60 % décarbonée d’ici à 2030 ». Avec une stratégie axée sur deux piliers : « la réduction de notre consommation d’énergie, grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétique, et l’accélération de la production d’énergie décarbonée avec la relance du nucléaire et le développement des énergies renouvelables ». Le projet soumis à concertation au printemps prévoyait ainsi que la production d’électricité décarbonée passe de 458 TWh en 2023 à au moins 668 TWh en 2035, dont jusqu’à 110 TWh de photovoltaïque (contre 22,7 TWh en 2023). Le projet soumis à concertation propose également la mise en place d’un « tableau de bord de l’électrification ». Celui-ci serait construit à partir des bases de données dont disposent les différents acteurs du système électrique afin de servir de support au suivi des évolutions de la consommation d’électricité.

Troisième PPE : un décret qui tarde à arriver, la filière dans le flou 

Tout comme la SNBC-3, la PPE-3 est entrée en préparation en 2021. Elle doit notamment acter la feuille de route pour les périodes 2025-2030 et 2031-2035. Malgré l’instauration de la planification écologique en 2022, les deux textes ont accumulé les retards. La publication de la PPE-3 était ainsi initialement programmée pour mi-2023, la prochaine devant être adoptée… en 2027. Prévue pour le printemps, la publication de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie a finalement été repoussée par le gouvernement à la fin de l’été 2025. Face à ce retard, 19 organisations professionnelles** avaient tapé du poing sur la table en avril dernier dans une lettre ouverte aux parlementaires.

Dans cette missive, elles observaient qu’un « vaste travail de concertation (avait) été mené au cours des quatre dernières années »  afin de « construire la Programmation pluriannuelle de l’énergie pour les périodes 2025-2030 et 2031-2035 en cohérence avec nos objectifs légaux ». Estimant ce travail « finalisé », elles soulignaient que ce projet avait été approuvé par le Conseil supérieur de l’énergie en mars dernier. « Il ne manque plus qu’une étape : la publication du décret PPE par le Gouvernement, conformément au Code de l’énergie » écrivaient-elles, soulignant qu’en « l’absence de ce décret, ce sont toutes les femmes et tous les hommes de la filière électrique – une industrie engagée sur le temps long – qui demeurent dans l’expectative ».

Nous ne remettrons pas en question le cap de la décarbonation, ni le principe d’un mix électrique équilibré, reposant sur les énergies renouvelables et le nucléaire.

Marc Ferracci

Ministre de l’Industrie et de l’Énergie

À l’Assemblée, le débat sur la PPE tourne à la catastrophe

«  Les acteurs que nous représentons ont en effet besoin de visibilité et de stabilité pour développer des emplois locaux pérennes sur l’ensemble du territoire, favoriser la revitalisation des territoires ruraux, conforter les choix d’investissement, accélérer les projets, garantir la souveraineté énergétique et industrielle, et faciliter les transferts d’usage vers l’électricité, pilier central de l’atteinte de nos objectifs climatiques et de la maîtrise de notre avenir énergétique » affirmaient les organisations professionnelles avant que ne s’ouvre le débat parlementaire sur la programmation énergétique de la France, via une proposition de loi du sénateur LR Daniel Grémillet. Officiellement, le gouvernement s’est engagé à ne publier le décret sur la prochaine PPE qu’une fois le débat parlementaire arrivé à son terme, soit  « avant la fin de l’été, idéalement à la rentrée ». Le ministre de l’Industrie et de l’Energie, Marc Ferracci, qui se dit conscient que « certaines filières ont besoin de la programmation pluriannuelle de l’énergie pour lancer des investissements », a tenu à rassurer : « Nous ne remettrons pas en question le cap de la décarbonation, ni le principe d’un mix électrique équilibré, reposant sur les énergies renouvelables et le nucléaire ».

Une précision d’importance alors que les députés se sont déchirés en hémicycle à propos de l’avenir énergétique de la France, allant jusqu’à voter le 19 juin, dans une Assemblée très clairsemée, un moratoire sur les éoliennes et le photovoltaïque. Un vote qui a fait bondir le gouvernement et la filière. La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a ainsi estimé que ce moratoire n’avait « aucun sens » et traduisait « une méconnaissance profonde de ce qu’est un mix énergétique équilibré ». De son côté, Jules Nyssen, le président du Syndicat des énergies renouvelables a déploré « une image vraiment lamentable de notre pays, de sa politique énergétique », soulignant également l’inquiétude des acteurs du secteur. Coédis, l’organisation qui représente les distributeurs d’équipements et solutions électriques, a appelé le Parlement « à la responsabilité », estimant que « rien ne justifie » un tel moratoire « alors même que le pays réalise un effort sans précédent de décarbonation de son énergie ».  

Avenir incertain pour la proposition de loi PPE

 

« Ce qui a été adopté, je le dis avec gravité, avec solennité, est parfaitement irresponsable »  et « dévastateur » a cinglé Marc Ferracci, ministre en charge des portefeuilles de l’Industrie et de l’Energie, qui a par ailleurs fait part de son « soutien indéfectible à la filière des énergies renouvelables ». Fort heureusement pour elle, ce moratoire ne devrait rester qu’une péripétie sans conséquences sur l’avenir énergétique du pays. L’ensemble de la proposition de loi préalable à la publication de la nouvelle PPE a été rejetée par l’Assemblée nationale le 24 juin. Le texte doit désormais repartir au Sénat mais ses chances d’aboutir sont jugées minces en raison de l’illisibilité des positions du Parlement. Sauf rebondissements, la balle devrait donc rester dans le camp du gouvernement pour une parution du décret dans les prochaines semaines. 

* hors Corse et territoires ultra-marins qui sont des zones non-interconnectées et qui ont leur propre PPE
** AFPAC (Association Française pour les Pompes à Chaleur) ; SER (Syndicat des Energies Renouvelables) ; FFIE (Fédération Française des Intégrateurs Électriciens) ; FIEEC (Fédération des industries électriques, électroniques et de communication ; UFE (Union Française de l’Electricité) ; GIFAM (Groupement des marques d’appareils pour la maison), SFEN (Société française d’énergie nucléaire) ; Enerplan ; France Renouvelables ; Cleantech for France ; FranceHydroÉlectricité ; Avere France ; ELE ; Industries Méditerranée ; association Promotelec ; IGNES ; Uneleg ; GIMELEC (Groupement des entreprises de la filière électronumérique française)

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